Haltérophilie /  L'or pour Vencelas Dabaya hier soir à Strasbourg

 

L'Europe ne suffit pas

 

Devancé par l'Arménien Martirosyan à l'arraché, Vencelas Dabaya a construit son succès à l'épaulé-jeté, sa spécialité, et décroché l'or au total olympique. Mais le Français veut surtout monter sur le toit olympique en 2008 à Pékin.

Vencelas Dabaya : l'Europe avant Pékin ?
(Photo DNA - Christian Lutz-Sorg)

Vencelas Dabaya, 26 ans, est un beau bébé. Né pour gagner, taillé pour durer. Sacré champion du monde en octobre 2006 à Saint-Domingue (la première couronne française depuis... 1922 et celle de Roger François), il a tracé sa route à la force du poignet. Itinéraire d'un enfant doué, mais pas toujours gâté.

« Fais connaître notre nom dans le monde entier »

 A 9 ans - « Mes parents m'ont donné le prénom du saint inscrit ce jour là au calendrier, mais on a oublié le "s" sur mon acte de naissance, c'est pour ça que je m'appelle Vencelas »), Dabaya écarquille les yeux. Tsinga, le quartier de Yaoundé où il réside, est entouré de deux salles de sport : « Le Lion populaire club » et « Le Bulgare club ». « Et là, je vois un petit homme qui arrache une énorme charge et qui me fait rêver », raconte-t-il.

 Ce « petit homme », c'est Samson N'Dicka Matam, aujourd'hui son partenaire en équipe de France chez les moins de 62 kg. Vencelas Dabaya commence alors par s'entraîner en cachette. « Pendant un, je me suis débrouillé pour que ma mère n'en sache rien. Elle avait peur que ça perturbe mes études. » Mais pour disputer sa première compétition, il lui faut une autorisation parentale. « Je suis allé voir mon père, qui souffrait de diabète, sur son lit d'hôpital. Il m'a dit : vas-y ! Et fais connaître notre nom dans le monde entier ! »

 Hélas, Papa Dabaya ne verra jamais son fils monter sur le toit du monde. Et sur le podium de St-Domingue, « Vence » éclate en sanglots pendant la Marseillaise. « En l'espace de quelques secondes, tout mon parcours a défilé sous mes yeux. J'ai repensé à tous les gens qui m'avaient aidé et surtout à mon père et à mes deux grands frères décédés. Et j'ai alors ressenti un terrible manque, comme une blessure qui s'est rouverte brutalement. J'aurais tant voulu qu'ils soient là pour vivre avec moi cette victoire du coeur. »

 Un parcours qui le conduit d'abord à Avallon où il débarque « sans papiers, un peu dans la clandestinité ». C'est Jean-Claude Collinot, le CTR de Bourgogne (le père de Franck actuel entraîneur national), qui avait remarqué son potentiel et le convainc de quitter le Cameroun pour venir s'entraîner en France. « C'est le premier qui a vraiment cru en moi ».

« Pékin, c'est le but d'une vie, de toute ma vie »

 Mais dans l'ombre de Samson Matam, le modèle, et de Francis Tournefier, médaille de bronze aux Mondiaux de 1991, Dabaya ne parvient pas à percer. « J'ai ensuite rejoint Saint-Médard en Jalles, car là-bas on me proposait un travail d'emploi jeune à la salle d'entraînement ce qui m'a permis aussi de régulariser ma situation », explique « Vence ».

 Dabaya commence alors à se faire un nom sur l'échiquier mondial. Sacré champion du Commonwealth en 2002, il est porte-drapeau du Cameroun aux JO d'Athènes, où il termine 5e. Naturalisé Français en novembre 2004, il intègre l'Insep de Paris. « Demander la nationalité de mon pays d'accueil, c'est ma façon de remercier toutes les personnes qui m'ont aidé en France, insiste-t-il. Et j'avais besoin de cela pour trouver la stabilité dans ma vie avec Anita et mon fils Yoan, 15 mois, que je voyais trop peu, avant qu'ils ne me rejoignent en France. »

 Toute la petite famille réside désormais à Fontainebleau, puisque « Vence » est militaire dans l'armée de terre et envisage d'intégrer l'école des sous-officiers. Et avec les « Bleus », Vencelas est déjà parti à la conquête et à la cueillette de médailles : le bronze aux championnats du monde du Qatar en 2005, l'argent à l'Euro polonais 2006, malgré un genou qui le tiraille et ce premier titre mondial en République Dominicaine, le 2 octobre dernier. Un sacre historique depuis celui de Roger François en ....1922 !

 « Je veux poursuivre l'histoire que je viens d'écrire, martèle Dabaya. Tout ce que je fais maintenant, c'est avec une seule idée en tête : Pékin. Ce n'est même plus un rêve, c'est le but d'une vie, de toute ma vie. »

Patrick Schwertz

Édition du 20 avril 2007